Pascal COLLET
Nous lisons dans l’Évangile de Matthieu, au chapitre sept, les versets un à cinq.
Sous une forme fortement imagée, Jésus montre la folie qu’il il y a à se préoccuper des fautes ou des défauts du prochain, alors qu’on est aveuglé sur ses propres péchés. Plus grave encore : la mise en parallèle d’une paille et d’une poutre laisse envisager que les défauts du prochain pourraient n’être que des peccadilles, alors qu’il y aurait des choses plus graves chez soi-même. Ce défaut de vision est assurément plus qu’à défaut de vision : dans ce texte, Jésus parle d’hypocrites, ce qui signifie que le coeur est faussé, et bien plus largement que la tendance à être conciliant avec nous-mêmes et intransigeant avec les autres.
L’objectif fixé par Jésus dans ce texte, objectif auquel il nous faut souscrire, est d’ôter premièrement la poutre de notre oeil. Pour y parvenir, il me semble qu’il faut maintenant poser une question directe : suis-je quelqu’un qui critique habituellement, ou facilement ? Avez-vous peine à répondre ? Pourquoi alors ne pas interroger vos proches, en leur spécifiant bien que vous n’attendez pas d’eux une réponse sentimentale mais objective. Aussi désagréable que puisse être d’abord ce constat, il est indispensable pour ensuite « acheter de Jésus le collyre divin », ou ôter la poutre.
Quelqu’un dira peut-être : « j’ai du discernement ». L’esprit critique qui est une manifestation de cette parole de Jésus, n’a rien à voir avec le discernement. Discerner, c’est faire une distinction, faire la différence. Il s’agit donc de connaître, de voir et non de soupçonner, d’insinuer, de critiquer. Certes, le discernement peut nous amener à émettre un jugement et à prendre des positions, mais le coeur qui s’y livre est pur de toute mauvaise disposition ou intention, et il y voit clair sur lui d’abord.
J’ai dit tout à l’heure qu’il s’agissait d’un coeur faussé. Voyons cela en lisant maintenant dans l’Évangile de Luc, au chapitre 18, les versets 11 et 12. Pourquoi donc, priant Dieu, faut-il que ce croyant regarde aux autres ? Eh bien parce que c’est comme cela qu’il fonctionne habituellement, et que cela se retrouve donc dans sa prière. Moody disait : « en ce moment, j’ai tellement de problèmes avec Moody que je n’ai pas le temps de trouver des fautes chez les autres ». Avez-vous des problèmes avec vous-même ? Des problèmes qui ne sont pas sans solution divine bien évidemment, et qui réclament la prière et la discipline pour notre marche personnelle avec Dieu, notre sanctification complète. Ceux qui « ont la poutre dans leur oeil » ne confessent jamais leurs péchés ; ils peuvent par contre confesser les péchés réels ou aussi supposés des autres…
Prenons bien garde à la conclusion de la parabole telle qu’énoncée par Jésus au verset 14 : élevé, abaissé. Lorsque le pharisien soulignait les péchés du reste des hommes, et ses quelques bonnes oeuvres à lui, il s’élevait ; lorsque le publicain confessait humblement son état, il s’abaissait. Dieu adapte Sa conduite à la nôtre ! Je presse les âmes perdues dans ce lieu de ne pas ou de ne plus prendre la posture de celui qui observe (le mot voir au verset trois de notre lecture d’introduction était utilisé pour ceux qui scrutaient les étoiles), et se repait des défauts des autres. Craigniez que Dieu vous abaisse autant que vous pouvez désirer qu’Il vous élève spirituellement.
Lisons maintenant le verset neuf de cette parabole. Jésus a donc en vue ce que nous appelons maintenant la propre justice, qui nous fait élever ce qui est bon en nous, rechercher la valorisation personnelle en dénigrant l’autre.
Avons-nous trouvé notre place auprès de Dieu ? La révélation de Son amour profond en Jésus, la remise de notre dette nous ont placé dans une relation nouvelle avec Lui. Dans cette relation, nous n’éprouvons plus le besoin de chercher à nous valoriser y compris en dénigrant l’autre : nous sommes aimés de Dieu, Il répand Son amour dans nos coeurs par le Saint Esprit, tout est bien ! C’est lorsqu’il y a un éloignement de Jésus que nous perdons les éléments précieux de notre communion spirituelle, et alors les coeurs sont ouverts à l’esprit de dispute, au zèle amer ; l’insatisfaction de la vie spirituelle engendre de l’amertume, qui distille elle-même un venin empoisonnant l’atmosphère et les relations. Alors, la personne voit les autres au travers de cet état né d’une insatisfaction spirituelle. Ceci me rappelle l’histoire du curé et de deux de ses paroissiennes, Caroline et Bernadette. Le curé rend visite à Caroline et, le pauvre, il doit endurer le déversement de la bile de cette dernière contre Bernadette sa voisine. La chose dure longtemps. À un moment donné, Caroline regarde par la fenêtre de sa maison et prend triomphalement à témoin M. le curé : « regardez : même son linge propre est sale » ! Effectivement : le curé voit la même chose que Caroline. Après avoir pris congé de cette dernière, il va visiter Bernadette dans la maison d’à côté. Il la trouve peinée de la situation, et sans hostilité quant à elle à l’égard de Caroline. Au cours de l’échange, discrètement, le curé regarde par la fenêtre de Bernadette : surprise, son linge est propre ! Après avoir réfléchi à l’explication de ce mystère, le curé a trouvé la solution : ce n’était pas le linge de Bernadette qui était sale, c’étaient les fenêtres de la maison de Caroline.
Nous éloignant de Jésus, perdant la substance de la communion avec Lui, combien de fois nos fenêtres ont-elles été salies pour nous amener à transposer sur l’autre nos mauvais états d’âme?
Il donc revenir à Jésus de tout son coeur. Il ne s’agit pas de prendre la résolution de ne plus critiquer le prochain : cela ne suffit pas. La racine est souvent beaucoup plus profonde que cela, et c’est notre relation avec Dieu qui doit être reconsidérée et réformée.
Alors, ôtons la poutre de notre oeil, et nous verrons.