Pascal COLLET
Nous lisons un premier texte dans la première épître aux Corinthiens, au chapitre trois, le verset trois.
Nous n’avons pas ici un jugement porté contre les Corinthiens, mais un constat se rapportant à leur manière de vivre, constat nécessaire à une prise de conscience, pour désirer vivre un autre chose. Il y a dans le domaine de la chair des oeuvres évidentes, décrites au chapitre cinq de l’épître aux Galates, et d’autres aspects moins évidents.
Allons maintenant dans l’épître de Jacques, au chapitre trois, les versets 13 à 15. Nous avons ici une sagesse qui est qualifiée de charnelle. Elle est aussi qualifiée de diabolique : ceci ne doit pas conduire à rendre le diable responsable de tout ce dont l’être humain est responsable. Mais il est vrai qu’en tant qu’inspirateur premier, et aussi comme celui qui tire avantage de la chair, le diable peut aussi être cité en rapport avec la sagesse charnelle. Une autre précision : l’esprit de dispute ne doit pas être considéré comme un mauvais esprit, mais comme le terme décrivant une tendance ou une disposition à disputer.
Nous avons donc une sagesse charnelle. Pourquoi l’emploi du mot sagesse ? On peut répondre d’abord que ce mot : sagesse, désigne une façon de vivre, à l’image du contenu du livre des Proverbes. C’est la connaissance de la vie chrétienne, mais une connaissance qui pénètre la vie pratique tout entière. Les principaux traits de la sagesse pieuse sont cités au verset 17. Quant à la sagesse charnelle, elles se manifeste par un zèle amer, et par une disposition à disputer. Cette disposition est celle que l’on retrouve chez ceux qui veulent toujours avoir raison ; qui surenchérissent ; qui souhaitent imposer leurs pensées ; qui apportent du bois pour allumer ou alimenter le feu : je me réfère ici au texte du livre des Proverbes, au chapitre 26 et au verset 20. La disposition à disputer pourrait donc être amenée dans un coeur par le moyen de paroles rapportant des faits sans qu’il soit utile de le faire. La Bible dit ailleurs que l’amour couvre toutes les fautes ( Prov 10/12), et, sauf s’il était utile de le faire, nous ne devrions pas prendre plaisir à « découvrir » en rapportant. Il est quelquefois nécessaire de dire certaines choses mauvaises, par exemple quand des âmes ou une église sont en danger et qu’il faut alors agir pour leur protection spirituelle. Mais en dehors de ce cas, rapporter c’est allumer ou alimenter un feu mauvais, ou encore polluer une âme. J’ajouterai qu’il n’est pas rare qu’ensuite, le ou les rapporteurs soient les mêmes qui disent : « il y a un problème dans l’église » ! Évidemment ! C’est pourquoi, quand à la chair et en particulier à cet esprit de dispute, nous sommes invités à entrer chacun dans notre lieu secret avec le Seigneur, pour lutter dans la prière afin que ces traits charnels soient laissés, qu’il y soit renoncé, que nous fassions mourir… et finalement que nous trouvions comme aboutissement de cette lutte contre nous-mêmes un coeur pur et paisible.
N’étant pas entièrement satisfait de cette réponse pourtant juste à la question : pourquoi la sagesse est-elle mentionnée, quelques textes m’ont amené à penser que la sagesse charnelle était aussi la description de certains raisonnements. Dans le texte lu dans l’épître de Jacques, nous notons qu’il est question au verset 14 de ne pas mentir contre la vérité. Nous ajoutons au chapitre premier, le verset 26 où il est question de tromper son coeur. Et nous ajoutons enfin la fin du verset 21 du chapitre cinq de l’épître aux Galates : pourquoi Paul répète-t-il que ceux dont les oeuvres charnelles sont le lot habituel n’hériteront pas le royaume de Dieu, sinon parce qu’il savait que certains chrétiens adopteront ces raisonnements pour se rassurer à bon compte. Donc non seulement, il y a une mauvaise conduite, mais il y a une tromperie qui s’y ajoute par le biais de certains raisonnements que nous choisissons d’adopter. Par exemple : « je suis chrétien et amer, ou disputeur ; je suis chrétien et ma langue est débridée ». Nous avons là une contradiction flagrante avec les textes bibliques qui nous précisent la vocation qui nous est adressée. J’ajouterai encore ceci : tout raisonnement visant à incriminer « l’autre » pour ce que l’on est soi-même manifeste une sagesse charnelle. Par exemple : « je me suis mis en colère : il l’a bien cherché ». Ce genre de raisonnement fait du prochain le responsable de nos manifestations charnelles. Quand nous disons : « c’est lui » alors que nous devrions dire : « c’est moi », nous sommes dans la sagesse charnelle. C’est quelque chose qui n’est pas nouveau, puisque cela date de l’être humain lui-même. Au jardin d’Éden, Dieu dit à l’homme : « est-ce que tu as mangé… », Ce à quoi l’homme répond : « la femme que tu a mis auprès de moi… ». À la femme, Dieu dit ensuite : « pourquoi as-tu fait cela » ? Ce à quoi la femme répond : « le serpent… » (Gen 3/11-13).
Cette manière d’esquiver est une sagesse charnelle, car elle est inspirée par la chair, qui pousse toujours à la complaisance envers soi-même, alors que l’Esprit de Dieu lui, oeuvre pour nous convaincre. Et non seulement elle est inspirée par la chair, mais elle nous y maintient, car avec de tels raisonnements il n’y a pas de victoire. Vous est-il arrivé de demander grâce à Dieu en rapport avec quelque trait charnel que vous aviez manifestés ? De crier à Lui pour obtenir son secours ? Il est plus facile d’esquiver.
La sagesse charnelle est encore mentionnée dans la deuxième épître aux Corinthiens, au chapitre premier et au verset 12. Certains ont reproché rapidement à Paul d’être un homme inconstant, parce qu’il avait fait part d’un projet qui n’avait pas abouti. Ce reproche était infondé, et Paul en profitera pour dire dans les versets suivants qu’il n’y a jamais eu en lui le oui et le non. Ceci se rattache à la sagesse charnelle.
Et puis, en lien avec cette sagesse, je cite cette parole de Jésus qui dit à ses interlocuteurs : « vous jugez selon la chair… ». C’est juger au travers de ses propres dispositions, juger sans examiner et établir les faits, juger sommairement, juger selon nos affinités etc. La chair peut aussi se retrouver dans nos jugements.
Aujourd’hui, rien de ce que nous sommes n’est figé : tout peut encore évoluer favorablement. Comme un de ces bons défis à relever pour la gloire de Dieu, Jacques écrit à ses interlocuteurs : « lequel d’entre vous est sage et intelligent » ? Et j’aurais envie de dire pour conclure : lequel d’entre vous veut être sage de la sagesse d’en haut ? Intelligent mais pas avec des raisonnements charnels ? La marche selon l’Esprit est possible si nous sortons de cette sagesse charnelle.