Pascal COLLET
Nous lisons tout d’abord dans l’Évangile de Matthieu, au chapitre sept, le verset un, puis dans la première aux Corinthiens, au chapitre cinq, le verset 12. Il ne faut pas juger ; il faut juger ! La Bible dit clairement l’une et l’autre choses. Avons-nous là une voie sans issue, une énigme sans solution ? Ces paroles seraient-elles des paroles commodes : quand ça m’arrange, je cite l’un des textes, ou bien l’autre ? Ces paroles seraient-elles encore laissées à la seule appréciation de nos sentiments ?
Il le ne faut pas juger ! Dans son épître, Jacques parle de juges aux pensées mauvaises ou, sous l’inspiration de pensées mauvaises. Nous devons reconnaître que ce qui nous inspire ne provient pas toujours de l’Esprit de Dieu. En rapport avec le jugement que nous émettons, avez-vous remarqué les choses suivantes :
– nous sommes prompts à juger ce qui n’est pas comme nous, ce qui est différent, « l’autre », et ce, au seul motif de sa différence, sans jamais au préalable réfléchir et conclure. N’est-ce pas à ce genre d’inspiration que Paul pense en rapport avec la nourriture au chapitre 14 de l’épître aux Romains ? « Tel croit pouvoir manger de tout ; tel autre, qui est faible, ne mange que des légumes. Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange, car Dieu l’a accueilli ».
– Nous sommes prompts à juger certaines apparences qui nous trompent. Nous connaissons l’histoire du sacrificateur Eli qui s’est lourdement trompé en pensant qu’Anne était ivre, alors que cette femme était affligée par la souffrance et le chagrin. Quel camouflet ! Des siècles après cet épisode, des juifs rassemblés lors du pèlerinage de la Pentecôte à Jérusalem ne diront-ils pas pour tenter d’expliquer un phénomène surnaturel qui été l’expérience de la plénitude du Saint Esprit, répandu dans les coeurs des disciples : « ils sont plein de vin doux ».
– Comme le suggère le texte de Matthieu sept lu en introduction, nous pouvons être indulgents envers nous-mêmes jusqu’à l’aveuglement, et impitoyables envers les autres. Il semblerait que le verbe « voir » du verset trois soit traduit ailleurs par « contempler les étoiles » ; ce verbe suggérerait alors un regard scrutateur posé sur le prochain.
– Nous pouvons nous tromper. Le pharisien de Luc 18 se trompait lui-même : si seulement il avait eu les dispositions de coeur du publicain qu’il jugeait pourtant!
Que trouvons-nous donc dans nos coeurs, nous enjoignant de ne pas juger ?De la malice, et même de la méchanceté ; de l’animosité qui a faussera toujours le jugement ; de la fierté et de l’orgueil ; des sentiments qui ont pour conséquence des balances fausses, qui ne l’oublions pas sont en horreur a Dieu ; le rejet de la vérité qui peut nous amener à juger celui qui, justement, la proclame . C’est ainsi par exemple que ceux qui rejetaient le message de Paul sur la grâce transformaient ses paroles et ses intentions pour en arriver à ce que Paul mentionne en Romains3/8 : « et pourquoi ne ferions-nous pas le mal afin qu’il en arrive du bien, comme quelques-uns qui nous calomnient, prétendent que nous le disons ? » Avouons-le, certains de nos jugements ont ces inspirations là, qui sont bien évidemment mauvaises. Devant cette énumération qui n’est même pas exhaustive, la prière qui s’échappe de nos coeurs doit être la suivante : « ô Dieu crée en moi un coeur pur ». Pur quant à la malice, à l’orgueil, au rejet de la vérité.Et non seulement cela, mais pourquoi si c’est possible, ne pas souhaiter aider celui ou celle qui ne sait pas ou qui n’a pas encore expérimenté ?
Il faut juger ! Lisons dans l’Évangile de Jean, au chapitre cinq le verset 30, et au chapitre huit le verset 16. Jésus jugeait, et Son jugement était juste et vrai. Je choisis de ne m’arrêter ce matin que sur ce fait : Jésus jugeait, et de ne choisir les textes que dans l’Évangile de Luc, après toutefois avoir cité une parole de l’Évangile de Jean : « vous avez pour plaire le diable… ». Jésus s’adresse ainsi à des croyants qui se réclament d’Abraham et même de Dieu. Ce n’est pas une colère comme les nôtres qui amène Jésus à répliquer ainsi, mais la réalité : ils se trompent complètement, et Jésus le leur dit clairement et courageusement. Allons maintenant dans l’Évangile de Luc et lisons les textes suivants :6/46; 9/55;62; 10/13; 11/39;44; 12/1; 13/14-15;32; 19/45-46; 20/44-47. Est-il évident maintenant pour vous que Jésus jugeait ? Surtout, n’en faisons pas un prétexte : dans les jugements de Jésus, il y avait de la dignité, de la vérité, de la justice. C’est une parole claire, quelquefois tranchante qui peut sauver le pécheur en lui ouvrant les yeux sur lui-même pour l’amener à rentrer en lui-même. Une parole faible, dite pour ne froisser personne, pour ne déplaire à personne ne parviendra jamais à ce résultat. Or, Jésus est venu pour nous sauver.
Il faut distinguer, éprouver, déterminer. Jésus nous demande de nous garder des faux prophètes en ajoutant qu’ils viennent à nous en vêtements de brebis mais qu’au-dedans, ce sont des loups ravisseurs. Quoi de plus gentille qu’une brebis ? Et pourtant, au moment même où nous penserions ainsi, nous pourrions commencer à être en grand danger… faute d’avoir éprouvé et jugé le personnage en question. Comment se garder d’un danger si nous ne discernons pas qui est qui ? Le disciple n’est pas un orgueilleux, un malicieux, un soupçonneux, un hypocrite à la mode de Matthieu sept, mais c’est quelqu’un qui a les yeux ouverts : il sait distinguer entre la justice et l’iniquité, entre la gloire et la légèreté, entre le Saint Esprit et la chair, entre l’église et le monde, entre les pensées de Dieu et celle des hommes si sophistiquées puissent-t-elles être. Il fait preuve de maturité, son jugement étant exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal (Héb 5/14). Sinon, « le peuple avale l’eau abondamment », il avale ce qu’il devrait vomir, et c’est en refusant de juger, ou en n’en n’étant plus capable, que bien des choses non bibliques qui tuent la vie spirituelle authentique sont acceptées en nous ou au milieu de nous, et que des bornes sont déplacées pour notre plus grand malheur.
Pour conclure, avez-vous remarqué que le portrait spirituel brièvement dressé de ces deux injonctions bibliques qui pourraient sembler contraires, est en réalité le portrait du disciple accompli : son tempérament est maîtrisé, sanctifié, pétri par le Saint Esprit ; il est plein de la Parole de Dieu qui est une parole éprouvée ; délaissant le terrain des inspirations mauvaises, ses yeux son grand ouverts pour porter sur les choses et les personnes une appréciation qui se rapprochera le plus possible de celle de Jésus. N’est-ce pas notre désir ? « Tout disciple accompli sera comme son maître ».