Pascal COLLET
Nous lisons un premier texte dans le livre du prophète Jonas, au chapitre quatre, le verset 11.
Ne plus savoir distinguer sa droite de sa gauche est un signe d’égarement total, immaturité complète. Laissez-moi vous relater cette histoire vraie, qui fut un jour racontée par une maman à sa fille adolescente, prénommée Sussy. Un père célibataire est dans la cuisine pour préparer le dîner pour ses trois garçons. Au bout d’un moment, il les appelle à table plusieurs fois, et il ne semble pas être entendu. Enfin il se précipite dans le séjour. Et ses garçons sont là, absorbés par le programme qu’ils regardent sur la télévision à écran plasma, tout en faisant autre chose en même temps bien sûr. Ils ont notamment les écouteurs de leurs MP3 sur les oreilles, de telle sorte que lorsque le père crie une fois de plus qu’il est temps de venir à table, ils ne l’entendent toujours pas. Et là, le père « pète un plomb ». Sussy écarquille les yeux et attend la suite. Le père s’approche de la télévision, la saisit à deux mains, se dirige vers la fenêtre qui donne sur le jardin et la jette. L’appareil tombe et se brise en morceaux sur la terrasse. Sussy déglutit et demande apeurée : « et ensuite ? ». Eh bien… les voisins entendent le raffut bien sûr, et ils appellent la police. Et ils le font une déposition. Bientôt, le tribunal aux affaires familiales s’en mêle et… un juge décide de retirer la garde des enfants au père. Sussy est très émue et désemparée : « tu veux dire… tu veux dire… tu veux dire qu’ils ne récupèrent pas la télévision plasma ? »
Ce ne sont pas seulement les adolescents qui sont menacés de tout confondre ! Un écran télé n’a bien sûr pas la même valeur qu’une décision de justice retirant à un père la garde de ses enfants ! Ainsi est notre époque, dans laquelle le futile devient l’essentiel, l’anecdotique devient l’indispensable, le buzz devient l’info, l’actualité people côtoie le drame. Lisons maintenant deux textes dans le livre du prophète Ezechiel, tout d’abord au chapitre 22 et au verset 26, puis au chapitre 44, le verset 23. Le premier texte se réfère à un temps de décadence, le second à un temps de renouveau. Au temps de la décadence, même les sacrificateurs ne distinguent plus ce qu’il faudrait distinguer, et ne peuvent donc pas faire connaître une différence qu’ils ne voient plus eux mêmes.
Cette confusion n’est pas seulement à l’extérieur du monde évangélique. On peut par exemple s’interroger sur la notion qu’ont les chrétiens du bien et du mal, quand le mal est pratiqué par beaucoup, est-il encore mal ? Il en est ainsi de l’impudicité, du mensonge, de la malhonnêteté etc. Y a-t-il encore une différence entre l’auditeur habituel de l’Évangile, incrédule, et celui qui croit ? Qu’est-ce qui distingue une louange narcissique d’une louange vraie ?
Nous, le peuple de Dieu, nous ne sommes pas automatiquement indemne : Dieu remplissait d’ivresse les sacrificateurs et les prophétes à un certain moment de l’histoire du peuple d’Israël (Jer 13/13) ; un autre prophète évoque la coupe d’étourdissement bue par plusieurs en son temps. C’est la raison pour laquelle Dieu exhorte le prophète Jérémie à dresser des signes et à placer des poteaux. Ce qui nous dirige sûrement, c’est la Bible, la Parole de Dieu. Non pas ce que nous affectionnons dans la Bible, mais la Bible elle-même, son enseignement.
Dans l’ordre des choses confuses, et pour apporter un peu de la clarté divine sur un sujet essentiel, faisons une autre lecture dans l’Évangile selon Luc, au chapitre neuf, les versets 23 à 26. Se perdre soi-même, ou, selon les autres Évangiles, perdre son âme. Jésus rappelle ici la valeur suprême de l’âme. Résultant du souffle de Dieu dans le corps, elle fut donc créée par Dieu, possédant un principe d’incorruptibilité, ce qui fait qu’elle sera redemandée par Dieu pour des perspectives éternelles. Quand on sait, en plus, quel prix a été payé par Jésus pour son salut…
Ainsi donc, pour Dieu la mesure de la réussite de l’être humain, c’est ça. Or les critères de la réussite aujourd’hui dans notre société sont complètement différents. Nous les connaissons, je passe là-dessus. Mais nous pourrions devant chaque réussite humaine nous reposer la question de Jésus : « à quoi cette réussite te servira-t-elle si tu perds ton âme » ? Dans cette logique, la vie spirituelle du chrétien est donc plus importante que ce qui est important. Nous pouvons en théorie être d’accord avec cela ; à nous ensuite de décliner la chose dans la pratique. J’interrogeait une jeune fille sur son absence à la dernière réunion de jeunesse, et celle-ci m’a expliqué qu’elle ne pouvait pas y être, vu que sa maman l’a coiffait ! Or, il est évident que la Parole de Dieu compte plus qu’une coiffure qu’on refait !
Il y a bien longtemps, Ésaü a estimé son droit d’ainesse : à ses yeux, il valait moins qu’un repas, et encore un repas très simple puisqu’il était composé de pain et d’un potage de lentilles ! C’est bien peu… Il est devenu le type des profanes de tous les temps.
Qu’est-ce qui nous ferait mettre en péril notre âme, où notre vie spirituelle ? Un climat ? Une maison ? Un travail ? Gagner plus ?
« Ouvert le dimanche » ! Ceci ne concerne pas les églises chrétiennes, mais de plus en plus de magasins, tant il est vrai que l’être humain est réduit aujourd’hui à sa composante de consommateur. Pendant longtemps, seuls les policiers , les professions médicales, et quelques autres travaillaient le dimanche. Maintenant… Le « jour du Seigneur » l’est donc de moins en moins. Un employé d’une de ses grandes surfaces disait au journaliste qui l’interrogeaient : « je gagne 10 € de l’heure en travaillant en semaine, et 25 € de l’heure en travaillant le dimanche » ! Et on a compris que tout était dit !
Il m’est revenu en mémoire cette histoire déjà partagée il y a quelques années. Un couple s’était converti à Dieu, et pendant les trois années qui ont suivi cette conversion, s’est débattu pour trouver une solution au problème qui se posait à lui, vu que ce couple était boulanger pâtissier. Une grande partie du chiffre d’affaires était réalisée le dimanche ; mais d’un autre côté, ce couple aspirait à retrouver l’église pour honorer le Seigneur et partager le pain et le vin. Ceci étaient pour eux bien plus important que de gagner un peu plus d’argent ce jour-là. Aussi, le mari et l’épouse ont d’un commun accord décidé de fermer boutique le dimanche, en acceptant le fait qu’ils pourraient perdre une partie de leur clientèle, mais en s’appuyant aussi sur les promesses du Seigneur. Pour eux, la perte d’une partie de leur clientèle n’était pas le plus important. Jésus-Christ était mort sur une croix pour leurs péchés, et ils désiraient l’honorer. Ils ont donc mis leur décision à exécution, et quelque temps plus tard, ils ont eu la surprise d’être contactés téléphoniquement par un de leur concurrent le plus direct qui leur a alors demandé de reprendre sa clientèle de demi gros, qu’il livrait le vendredi et le samedi. Le chiffre d’affaires était non seulement sauvé, mais augmenté !
Bien évidemment, il n’y a pas que le jour du Seigneur qui soit concerné par la confusion qui s’installe aujourd’hui. C’est pourquoi je tiens à lire avec vous un autre texte pour conclure, dans la première épître de Paul à Timothée, au chapitre quatre et au verset huit. La piété est un mot qu’on utilise quasiment plus dans nos milieux évangéliques. Cette quasi-disparition n’est déjà pas un bon signe : ne cache-t-elle pas le recul de tout ce qui fait la piété, c’est-à-dire le respect dû à Dieu, un amour ardent pour Lui, la reconnaissance, le service de Dieu, la foi, l’obéissance etc. Or, la piété est très importante puisqu’elle a la promesse de la vie présente, et de celle qui est à venir.
Que Dieu nous fasse la grâce de distinguer, de hiérarchiser, de différencier.