Pascal COLLET
Nous lisons dans le premier livre de Samuel, au chapitre 15, les versets 24 à 30.
La deuxième réplique de Saül (celle du verset 30) éclaire les dispositions de son coeur. Tirons-en leçon, pour apprendre à nous situer justement par rapport à nos fautes, échecs, péchés. Ajoutons une lecture parallèle dans le deuxième livre de Samuel, au chapitre 12 et au verset 13.
Saül a commencé par invoquer le péché des autres (v21) ; avons-nous besoin du péché de l’autre ? Cette question peut surprendre : avoir besoin du péché du prochain ! Pensons au croyant monté au temple pour prier et qui s’adressait à Dieu en mentionnant les péchés de son prochain (Luc 18/11). Pourquoi une telle prière adressée à Dieu ? Il ne s’agit pas ici de mentionner les fautes du prochain pour réclamer à Dieu une grâce pour lui, sa repentance, son retour même. Jésus emploie cette parabole en vue de certaines personnes se persuadant qu’elles étaient justes (v9). Pour cette persuasion, elles avaient besoin de la comparaison ; comme dit le proverbe non biblique : quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console. La comparaison sert à nous flatter, à nous réhausser à nos propres yeux, à nous rassurer. Mais il s’agit ici d’une fausse assurance, d’une paix illusoire car issue de calculs trompeurs : le seul qui puisse m’assurer à juste titre c’est Dieu, et c’est dans ma relation personnelle avec Lui, y compris dans ma repentance, dans mon aveu et dans l’application du sang de Jésus pour ma vie que je peux trouver cette assurance et ce vrai repos. Même l’invocation du diable si elle sert de prétexte pour nous empêcher d’affronter nos mauvais choix et nos fautes est fausse. Trouver pire que soi ne nous a jamais rendu meilleur ; fixer les péchés du prochain ne règle pas les nôtres.
Je m’adresse aussi aux chrétiens qui souffrent d’être instrumentalisés par des proches inconvertis : les jeunes chrétiens souffrent de la part de leurs parents non chrétiens ou l’inverse, un conjoint chrétien souffre de la part d’un conjoint non chrétien : le moindre écart est souligné ; la plus petite faute des relevée. On a l’impression quelquefois que même si l’excellence existait, il y aurait encore quelque chose à redire. Celui ou celle qui agit ainsi se persuade qu’il est bien, et que la foi évangélique est une option pour lui. Certes, chaque chrétien prend grand soin de son témoignage, il a pour cela recourt sans cesse à la grâce de Dieu. Qu’il ne se laisse donc pas déstabiliser par cet état d’esprit inquisiteur qui témoigne que l’âme en question est dans une relation faussée par rapport à ses propres péchés. Nul besoin de noircir quelqu’un. La Bible dit que l’amour couvre une multitude de péchés, et même si ce texte à lui seul mériterait un développement que je ne peux apporter ici et maintenant, il nous amène, d’une part par le sentiment de notre propre indignité, et d’autre part par la bienveillance envers l’homme faillible mais dont nous savons qu’il en veut pour le Seigneur, qu’il L’aime en vérité et donc qu’il va encore être transformé, à ne pas adopter l’attitude du pharisien de la parabole. Il ne s’agit pas là d’hypocrisie, de lâcheté, d’indifférence par rapport au mal, de sentimentalisme nous amenant à être très larges avec ceux que nous aimons bien et très dur avec les autres, mais d’une attitude spirituelle dans laquelle nous refusons d’entrer dans des calculs charnels avec les péchés du prochain.
Revenons-en maintenant à Saül et à David. Quelle différence non seulement dans leurs péchés respectifs, mais dans leur confession et dans ses fruits. David vit, des siècles avant que Jean ne l’écrive dans sa première épître, la réalité mise en évidence par la mort de Jésus : marcher dans la lumière permet au sang de Jésus de nous purifier de tout péché, et si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. David sera donc pardonné et relevé. Quant à Saül, Dieu n’est pas revenu sur son rejet de la royauté, et la suite de son histoire nous montre qu’il a entamé une longue descente spirituelle qui l’a conduit à une fin misérable. Pourquoi ? On peut parler en ce qui le concerne d’une fausse repentance, ou plus exactement peut-être d’une repentance faussée : « j’ai péché… honore-moi... ». Réclamer des honneurs, même quand on se reconnaît coupable, n’est ce pas un trait d’orgueil ? Sa réaction n’a-t-elle pas à voir avec la gloire des hommes ? Autre fut la confession de David qui dit au Psaume 51 et au verset six : « j’ai péché contre toi seul, j’ai fait ce qui est mal à tes yeux, en sorte que tu seras juste dans ta sentence, sans reproche dans ton jugement ». Il ne se juge lui-même sans fard et accepte donc le jugement de Dieu sur son péché. Quelle différence avec le coeur de Saül réclamant des honneurs !
« J’ai péché » : de tels mots, dit dans la vérité, à la manière de David, avec un coeur contrit, font tressaillir le ciel. Les anges se réjouissent quand ils sont prononcés parce qu’ils signifient qu’il y a repentance et une repentance à salut. Nous arrive-t-il de dire : « j’ai mal agi ;je me suis mal comporté ; j’ai mal parlé ; je me suis trompé ; j’étais égaré… » ? Certes, l’orgueil rend ces mots si simples, difficiles à dire, mais pour ceux qui les disent, d’autres mots seront dans leur bouche à la suite de leur confession. J’en cite quelques-uns : « il m’a pardonné ; il a purifié toutes mes iniquités ; quel merveilleux sauveur j’ai trouvé ; combien le sang de Jésus est précieux ; j’aime l’oeuvre de la croix ; il m’a relevé ; il m’a renouvelé ; je suis simplement en paix » ; et dans certains cas : » il m’a guéri ». Car, à la confession vraie répond toujours la grâce de Dieu. C’est de cela dont nous avons besoin, et non pas de nous servir à nos dépens du péché des autres.