Pascal COLLET
Nous lisons dans l’Évangile de Luc au chapitre 18, et au verset huit. Puis dans l’épître aux Hébreux, au chapitre 11, et au verset 27.
Il est couramment admis que l’Égypte dans ce texte représente le monde et son esclavage. Il s’agit donc pour nous de quitter le monde. Dans quel sens ? Jésus répond à cette question dans l’Évangile de Jean au chapitre 17, et aux versets 15 et 16.
Comment définir brièvement le monde ? Dans son épître, Jean met le monde en rapport avec la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie. Paul parle quant à lui du « train de ce monde », qui consiste dans les idées, les principes, les tendances et la conduite de l’époque. On peut parler de « l’esprit du monde », ou encore de la mentalité ambiante. Et j’ajoute encore l’expression employée par Jésus dans la parabole du semeur et des terrains : « les soucis du siècle ». Non pas seulement les soucis, mais les soucis du siècle. Permettez-moi de vous en citer quelques-uns : comment m’enrichir ? Comment réussir selon les critères d’ici-bas ? Quelle est la dernière tendance ? Comment être accepté par ceux qui nous entourent ? Et, en rapport avec l’idolâtrie du corps et la place donnée au look : comment être belle, ou beau ? Ces soucis sont comparés aux épines qui étouffent la Parole de Dieu.
Sur l’ordre de Dieu, Moïse a donc célébré la Pâques. L’agneau sans défaut a été mis à part, puis immolé, et les israélites ont mis de son sang sur les linteaux de leur maison. Cette Pâques était célébrée avec l’objectif de quitter l’Égypte. Trouvons un texte parallèle dans l’épître de Paul au Galates, au chapitre premier et aux verset quatre : « Jésus s’est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher du présent siècle mauvais, selon la volonté de notre Dieu et Père ».il y a donc un rapport étroit et direct entre l’oeuvre de la croix et notre rapport au monde.
Nous parlons bien ce matin de la foi. Du reste, nous notons que après leur délivrance, quand les israélites ont évoqué l’Égypte avec nostalgie, c’était dans leurs « crises de foi ». Le monde reste un champ de bataille, et non pas une aire de jeux. Il s’y déroule de rudes combats. Nous le voyons notamment en rapport avec les jeunes qui, instruits des choses de Dieu et connaissant les tenants et les aboutissants du salut et de la foi chrétienne sont retenus de s’engager, le plus souvent par l’esprit du monde. C’est encore le monde qui cherche quelquefois à ré- attirer à lui ceux qui se sont convertis. Devant ces rudes combats, certains ont cherché à contourner l’obstacle en changeant le mot d’ordre : il ne s’agit plus de « quitter », mais de s’adapter en introduisant dans l’église et la vie spirituelle des raisonnements et des faits qui proviennent clairement du monde et de son esprit. C’est ainsi que quelqu’un a pu dire que dans certains endroits, la « louange » était devenue une sorte de boîte de nuit « sanctifiée » sans le champagne et les ivrognes ! Ce calcul me rappelle celui d’Aaron dans l’épisode bien connu du veau d’or, tel qu’il est relaté au chapitre 32 du livre de l’Exode. Pourquoi un veau d’or ? On sait maintenant que plusieurs cultes du taureau étaient pratiqués en Égypte pendant le séjour des israélites dans ce pays. Ces choses s’étaient gravées dans leur conscience, et s’ils avaient quitté physiquement l’Égypte, l’Égypte n’avait pas encore quitté leur coeur et leur mentalité.Aaron cherchera à sauver les apparences en mettant en place autour du veau d’or une fête en l’honneur de l’éternel.Mais Dieu se moque de nos fêtes, et il dira à Moïse que le peuple s’est corrompu.
Quitter Égypte, quitter le monde. C’est cet aspect de la foi qu’il laisse le monde pour ce qu’il est vraiment. Certes le monde se présente à nous avec ses attraits, ces sourires, mais derrière ces risettes, son prince et comme le pharaon en colère qui lève ses chars, ses chevaux, ses cavaliers, son armée, non pour une promenade amicale autour de la mer, mais bien pour humilier le peuple d’Israël délivré. Soyons clairvoyants : le monde ne nous aime pas. C’est cet aspect de la foi qui entre pleinement dans le projet de Dieu, projet qui consiste d’abord dans une mise à part par une conversion sincère, puis par un renouvellement intérieur qui procure une réelle transformation à la gloire de Dieu.
Laissez moi partager cette histoire avec vous. Elle concerne un chrétien occidental qui pendant longtemps a vécu sa vie chrétienne en estimant nécessaire de soigner son image. À cet effet, il avait entrepris d’acheter des voitures de luxe non pas parce qu’il en avait besoin, mais par ce que, avocat, il voulait ressembler aux autres avocats et afficher sa réussite. À l’église, il était loué ! Ses amis chrétiens pensaient comme lui. Puis un jour, il rendit visite à sa soeur qui était missionnaire en Inde, et là ses yeux s’ouvrirent, et il comprit la vanité de ses pensées et l’erreur spirituelle dans laquelle il avait vécu. Il a pris conscience que vivre d’une manière qui n’offense personne constituait en fait une offense à Dieu. Rentré chez lui il a vendu sa dernière voiture puis en a racheté une autre banale. Celle-ci est devenue très rapidement un objet de mépris et de risée dans le parking du cabinet ! Puis convaincu que ces journées de 14 heures de travail n’étaient pas une bonne chose ni pour sa vie spirituelle ni pour sa vie familiale, il a commencé à quitter le bureau à 18:00. On lui a dit alors : « nous ne t’accepterons jamais comme associé parce que tu ne passes pas assez de temps au bureau ». Cette histoire vraie est très instructive, car elle nous montre l’emprise que l’esprit du monde peut exercer sur le chrétien, mais aussi la grâce de se laisser transformer par Dieu, tel qu’indiqué dans le texte de Paul aux Romains, au chapitre 12 et au verset deux.
À son retour, le seigneur souhaite trouver cette foi là. Comment espérer dans le royaume de Dieu si nous sommes présentement enracinés dans le monde ? Que par la croix, nous soyons morts au monde, et continuions à le quitter en nous laissant transformer par l’esprit de Dieu.