Pascal COLLET
Nous lisons dans la première épître aux Corinthiens, au chapitre 15 et au verset 10.
C’est un langage étonnant dans la bouche de Paul, anciennement Saul de Tarse. Pour savoir comment il pouvait parler de lui jusqu’à sa rencontre avec le Christ, rendons-nous dans l’épître aux Philippines, au chapitre trois et au verset sept. Son langage avait changé, son appréciation avait changé, sa mentalité avait changé.
Le texte incite d’abord à poser la question suivante : qui suis-je ? C’est-à-dire, qui suis-je réellement ? À intervalles réguliers, on entend la surprise de voisins, proches, ou amis qui disent d’une personne : « on n’aurait jamais cru cela de lui ou telle. » Qui sommes-nous réellement ? On pourrait estimer par exemple que nous ne sommes pas hélas, nous-mêmes ici dans ce lieu de culte maintenant ; certains sont peut-être en « représentation », d’autres viennent avec le désir d’apparaître sous leur meilleur jour, voire d’impressionner, ou plus simplement de gagner l’estime du prochain. Le pire peut-être consiste à faire comme si la parole de Dieu n’était pas pour soi en y répondant pas ! Cela consiste à se faire passer pour autre que ce que nous sommes. Il est donc possible que nous ne soyons pas ici ce matin réellement nous-mêmes, et qu’il faudrait aller voir du côté de nos maisons, de nos lieux de travail pour savoir qui nous sommes. Ceci bien évidemment n’est pas chose normale pour le chrétien. Nous n’avons pas plusieurs visages, nous ne nous adaptons pas au contexte. Marchant dans la lumière de Dieu nous apprenons de Lui à être vrais.
Certaines circonstances nous révèlent ; une épreuve est un bon révélateur. Vous connaissez la parabole du semeur. Deux des quatre terrains semblent dans un premier temps complètement identiques : la bonne terre et la terre aux endroits pierreux, car la semence y lève. Mais le soleil paraît, c’est-à-dire que survient une tribulation à cause de la parole et voilà le terrain révélé. Nous ne sommes jamais autant nous-mêmes que confronté à l’épreuve. Mais aussi à la contrariété, à l’opposition. Nous pouvons facilement donner le change dans nos relations avec les gens qui nous aiment et qui sont gentils avec nous, mais alors nous ne sommes pas vraiment nous-mêmes ! On croyait telle personne de bonne compagnie, jusqu’à ce que, confrontée à une contrariété, nous entendions d’elle de telles paroles et constations une telle méchanceté que nous nous sommes rendus compte de l’état profond et vrai du coeur. La répréhension nous révèle aussi à nous-mêmes, tant il est vrai que l’orgueil n’accepte pas cette répréhension même Bible en main.
Nous pouvons donc avoir un problème avec notre identité exacte, et il faut le cerner pour que nous puissions aller plus loin. Aller plus loin signifie pour nous ce matin, en rapport avec le texte lu, permettre à la grâce de Dieu d’agir. Paul reconnaît qu’il est devenu ce qu’il est par l’action de la grâce de Dieu. Comment cette grâce agit-elle ?
« Tu es cet homme-là ! » Ainsi fut dit à David par un homme de Dieu envoyé par Dieu. Cette parole doit être comprise comme une manière d’agir de Dieu pour nous secourir, même si elle peut nous mettre mal à l’aise. Savez-vous que nous avons là un rendez-vous incontournable, soit ici-bas pour une rencontre personnelle avec le Christ et pour une marche de progrès en progrès, soit dans l’autre monde où nous serons devant Dieu tels que nous serons pour le jugement ? Tel que je suis… c’est ainsi que la grâce de Dieu agit. Remarquez-le avec moi dans la Parole de Dieu. Dans quelle vie Dieu agi-Il ? Dans la vie de Moïse, de Gédéon, de Jérémie tous conscients de leur état et donc de leur faiblesse. Il agit dans la vie du publicain de la parabole, dans celle de la femme adultère amenée de force devant Jésus, mais choisissant d’y rester après que ses accusateurs se soient retirés. Il agit dans la vie des gens de mauvaise vie qui savaient ce qu’ils étaient et qui accueillaient Jésus comme le médecin de leur âme. Il agit dans la vie du brigand, qui après ses imprécations avouera son état en disant : « pour nous c’est justice ». Dieu agit dans la vie de Pierre après la résurrection en l’amenant à reconnaître ce qu’il est vraiment. Quelle différence du reste avec l’un des 12 autres, Judas. Imaginez la scène suivante relatée par les Évangiles : nous sommes le soir, Jésus est à table avec les 12 et pendant le repas Il leur annonce que l’un d’entre eux va le livrer. Chacun se met à lui dire : est-ce moi seigneur ? Judas, qui le livrait, lui pose la même question! Nous comprenons pourquoi c’est Pierre qui a été relevé et restauré, et pas Judas.
La grâce n’est donc pas ce message creux qui nous permettrait de rester ce que nous sommes, sous prétexte justement de la grâce. C’est là une conception erronée. La grâce c’est ce qui fait de Gédéon un vaillant héros, de Jérémie une muraille forte, de Moïse le conducteur d’Israël, du pêcheur un saint, du chrétien dans la chair un chrétien dans l’Esprit. La grâce c’est ce qui rend le colérique doux, l’individualiste serviable, celui qui a une haute opinion de lui humble, l’indépendant soumis, le balloté ferme, le rancunier accordant son pardon, le fluctuant stable, le centré sur lui centré sur Dieu et son prochain; celui qui fait valoir ses droits devient le premier dans le service, l’irritable devient patient, le faux devient vrai, l’inutile devient utile. Nos vies doivent être un hymne à la grâce de Dieu qui nous transforme et nous permet de vivre pleinement notre identité chrétienne. Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis.